République démocratique du Congo
12.10.01
Interventions urgentes

'RDCongo

Lettre ouverte au Président
de la République Démocratique du Congo.


Genève, le 15 juillet 2002


Monsieur le Président,

Le Secrétariat international de l’Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT) – principale coalition internationale d’organisations non-gouvernementales luttant contre la torture -, tient à exprimer sa grande inquiétude à la permanence des violations des droits de l’homme en République Démocratique du Congo.

En effet, l’organisation reçoit quotidiennement des allégations de défenseurs des droits de l’homme rapportant des exactions commises par l’Agence Nationale de Renseignements (ANR) ou par la Détection militaire des Activités anti-patrie (DEMIAP).

L’OMCT souhaite relever ci-après trois cas qui nous ont été rapportés récemment.

1. Monsieur Dominique Weleme Konzo, chauffeur-mécanicien, est appréhendé le 15 mai 2002 dans la commune de Gombe en compagnie de son frère et d’un ami par des militaires en provenance du camp de Kokolo. Placés en détention au cachot de Kokolo, les trois personnes y subissent des violences importantes, notamment des flagellations avec cordelettes et ceintures militaires.Ces mauvais traitement auraient duré pendant toute la période de l’interrogatoire conduit par M. Tshibangu Mbomu.

Alors que M. Francys, arrêté en compagnie de M. Konzo obtient une libération le 20 mai, Monsieur Konzo et son frère se voient accusés d’être des soldats ex FAZ, et sont acheminés le 23 mai à la DEMIAP/DGI.

Le 15 juin, M. Dominique Weleme Konzo est transféré au centre médical de la DEMIAP, son état de santé s’étant aggravé.

Le 22 juin, il subit une intervention chirugicale et décède, à la suite de ses blessures, le 24 juin vers 19h.

2. Monsieur Augustin Kikukama Binsamba, secrétaire général du Mouvement M 17, est enlevé le mardi 2 juillet. En effet, ce jour-là, vers 8h du matin,, deux personnes non identifiées, vêtues en civil et roulant à bord d’une jeep Suzuki de couleur rouge font irruption au domicile de M. Augustin Kikukama, avenue de la Prison, quartier Ndolo à Kinshasa, commune de Barumbu.

Le lendemain, après de vaines recherches, M. Binsamba est retrouvé au cachot de la cinquième direction de l’ANR situé sur l’avenue du Fleuve à Kinshasa/Gombe. Il est transféré dans la soirée à l’insu de sa famille et incarcéré à l’ANR/DSI sise avenue roi-Baudouin (ex 3 Z, ex Lemera). M. Augustin Kikukama Binsamba y demeure en détention jusqu’à ce jour sous régime d’interdiction de toute visite et sans qu’il ne lui soit signifié le moindre motif pour son arrestation.

3. Monsieur José Déogratias Symba Mwanangongo a été arrêté le 9 février 2002 à Lubumbashi par un groupe de cinq agents de l’ANR. Depuis, aucune charge n’aurait encore été retenue contre lui, mais il reste privé de toute visite de famille et de tout contact avec l’extérieur.

L’OMCT est extrêmement préoccupée par le fait que Messieurs Kikukama Binsamba et Symba Mwanangongo puissent être objets de torture ou à des mauvais traitements.

D’autre part, l’OMCT insiste sur le fait que les cas évoqués plus haut ne sont que trois exemples parmi les nombreux autres que l’organisation reçoit quotidiennement.

Par ailleurs, je me permets de vous rappeler la lettre du 2 juillet dernier dans laquelle j’exprimais ma plus vive inquiétude quant à la persistance de cachots gérés par d’autres Ministères que celui de la Justice, ainsi que le souhait que votre décision concernant la fermeture de tous les cachots ne dépendant pas des cours et des tribunaux de justice peu après votre investiture en mars 2001 soit enfin mise en œuvre.

En conséquence, et compte tenu de ces différents éléments, le Secrétariat international vous prie, Monsieur le Président, de bien vouloir intervenir afin de faire appliquer la décision que vous aviez prise alors, de faire cesser les actions trop fréquentes de détention arbitraire, et plus généralement de prévenir le développement de pratiques contraires aux droits humains les plus élémentaires, indignes d’une grande nation comme la vôtre.

Tout en vous remerciant de l’attention que vous accorderez à cette requête, je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’expression de ma très haute considération.


Eric Sottas
Directeur


Cc: Mission permanente de la République Démocratique du Congo, Genève ;
Groupe de travail sur la détention arbitraire, ONU ;
Rapporteur Spécial sur la torture et autres traitement cruels, inhumains ou dégradants, ONU.