République démocratique du Congo
03.05.18
Interventions urgentes

Dégradation de l’état de santé de cinq membres du mouvement Filimbi

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

COD 001 / 0118 / OBS 007.3

Détention arbitraire /

Mauvais traitements /

Harcèlement judiciaire

République démocratiquedu Congo

3 mai 2018

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de lHomme, un partenariat de la FIDH et de lOrganisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvellesinformations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situationsuivante en République démocratique du Congo (RDC).

Nouvelles informations :

L’Observatoire a étéinformé de la dégradation de l’état de santé de cinq membres du mouvementFilimbi[1],M. Carbone Beni Wa Beya, chargé de la mobilisation et du déploiement ausein de Filimbi, M. Mino Bompomi, coordonnateur de la cellule deKinshasa, M. PalmerKabeya, vice-coordinateur de la cellule de Kinshasa, etMM. Grâce Tshiuza et Cédric Kalonji, arbitrairement détenusdepuis plus de quatre mois. Les cinq défenseurs sont égalementvictimes de harcèlement judiciaire, tout comme M. Roger Mwenyemali, membredu collectif Filimbi à Kindu ainsi que MM. Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma,membres de la section de Kisangani du mouvement Lutte pour le changement(LUCHA).

Selon les informationsreçues, le 1er mai 2018, M. Carbone Beni a été transféré des locaux del’Agence nationale de renseignement (ANR) vers laclinique de Ngaliema à la suite de problèmes d’articulation aggravés par sesconditions de détention. Il doit également subir une opération del’appendicite.

M. Carbone Beni est détenudepuis le 30 décembre 2018 en compagnie de MM. Cédric Kalonji et Palmer Kabeya dans les locaux de l’ANR situés en face de laprimature à Kinshasa. MM. Cédric Kalonji et Palmer Kabeya setrouveraient également dans des états de santé préoccupants. MM. MinoBompomi et Grâce Tshiuza sont quant à eux détenus au quartier général de l’ANRà Kinshasa.

MM. Mino Bompomi, CarboneBeni, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya etGrâce Tshiuza sont poursuivis pour « atteinte à la sûreté de l’État » enlien avec leur participation à une manifestation pacifique appelant lapopulation à adhérer à l’appel du Comité Laïc de Coordination (CLC) pour lamarche du 31 décembre 2017. Depuis le début de leur détention, ceux-ci n’ontpas eu accès à leurs avocats, n’ontpas été présentés au parquet et aucune date d’audience n’a été fixée.

Par ailleurs,l’Observatoire rappelle que le 13 avril 2018, le Ministère public a requis unepeine de 3 ans d’emprisonnement et 1 million de CDF de dommages et intérêtspour l’État congolais (environ 500 euros) à l’encontre de MM. Jedidia Mabele, ZacharieKingombe et Andy Djuma, qui comparaissaient devant le Tribunal de paix deMakiso pour « incitation à la révolte ».

Le 18 janvier 2018, MM. Jedidia Mabele,Zacharie Kingombe et Andy Djuma ont été libérés souscaution de la prison centrale de Kisangani où ilsétaient détenus depuis le 30 décembre 2017 à la suite de leurarrestation en compagnie de plusieurs autres militants de mouvements citoyens.Ils participaient alors à des rassemblements pacifiques appelant la populationà adhérer à l’appel du CLC pour la marche pacifique du 31 décembre 2017 dansplusieurs villes de RDC (voir rappel des faits ci-dessous).

L’Observatoire condamnefermement la détention arbitraire de MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya,Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et GrâceTshiuza et le harcèlement judiciaire de ces derniers ainsi que de MM. JedidiaMabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma, qui ne visent qu’à sanctionner leursactivités de défense des droits civils et politiques en RDC.

Plus généralement,l’Observatoire réitère ses vives inquiétudes quant au contexte générald’intimidations et de répression à l’encontre de l’ensemble des défenseurs desdroits humains en RDC. Cette répression vise particulièrement ceux engagés enfaveur du respect des droits civils et politiques et du principe del’alternance démocratique ainsi que ceux qui participent et/ou appellent àparticiper à des manifestations pacifiques demandant la tenue des élections etle respect de la Constitution congolaise.

L’Observatoire a en effetdocumenté depuis 2017 une tendance quasi-systématique d’arrestations et dedétentions arbitraires, de criminalisation et de harcèlement de la part desautorités congolaises envers les défenseurs des droits et/ou les membres demouvements citoyens mobilisés notamment pour demander la mise en œuvre del’Accord politique du 31 décembre 2016 et l’organisation des électionsgénérales tels que la LUCHA, Filimbi et Compte à Rebours[2].

L’Observatoire appelle lesautorités congolaises à garantir le respect des droits de manifestation etréunion pacifiques ainsi que la liberté d’expression tels que prévus par laConstitution congolaise et les traités internationaux auxquels la RDC estpartie.

En conséquence,l’Observatoire demande aux autorités congolaises de libérer immédiatement etsans condition MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza, et demettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à leurencontre et à l’encontre de MM. Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et AndyDjuma. Dans l’attente de leur libération, l’Observatoire appelle les autoritéscongolaises à garantir le droit à un procès équitable des défenseurs des droitshumains, ainsi que leur intégrité physique et psychologique.

Rappel des faits :

Le 23 décembre 2017,M. Palmer Kabeya a été arrêté à Kinshasa alors qu’il promouvait laparticipation à la marche pacifique du 31 décembre 2017, et conduitimmédiatement à la Détection militaire des activités anti patrie (DEMIAP).

Le 29 décembre 2017, àKindu, M. Roger Katanga Mwenyemali a été arrêté par les services de sécuritéalors qu’il participait à une manifestation pacifique appelant la population àadhérer à l’appel du CLC pour la marche du 31 décembre 2017. Il a été transféréà la prison de Kindu et a été détenu dans des conditions carcérales difficiles.Il n’a reçu aucune visite de ses proches et a eu un accès limité à son avocat.D’abord accusé d’« atteinte à la sûreté de l’État », le Tribunal depaix de Kindu a ensuite requalifié les charges pesant à son encontre en« propagation de faux bruits ».

Dans le même contexte, àKisangani, le 29 décembre 2017, MM. Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et AndyDjuma ont été arrêtés par des agents de l’ANR et de la police nationalecongolaise aux environs du marché central et du pont Tshopo, alors qu’ilsinvitaient la population à se mobiliser pour une manifestation pacifiqueorganisée par le CLC, en parallèle de celle prévue à Kinshasa et dans d'autresvilles du pays. Cette marche pacifique avait dûment été notifiée aux autorités,conformément aux exigences légales nationales.

Tous trois ont ététransférés à la prison centrale de Kisangani, avec un accès restreint à leursproches et à leurs avocats[3]. Ils ont été accusés le 12janvier 2018 d' « incitation de la population à la violence contre lepouvoir public » par le Tribunal de paix de Kisangani.

Le 30 décembre 2017 àKinshasa, MM. Carbone Beni, Mino Bompomi, Grâce Tshiuza et CédricKalonji ont été enlevés par des miliciens proches du régime congolais, etconduits à l’Inspection provinciale de la police de Kinshasa (IPKIN). Ils ontété placés en détention provisoire le même jour pour « atteinteà la sûreté de l’État ».

M. Béni aurait été torturéaux fins d’obtenir de lui des aveux au sujet de son engagement pour ladémocratie et le réseau de soutien au mouvement Filimbi.

Ces enlèvements se sontproduits alors que ces derniers distribuaient des flyers visant à sensibiliserla population de quartiers populaires de Kinshasa à propos des marchespacifiques programmées pour le lendemain, le 31 décembre 2017, à l'appel duCLC, afin de réclamer l’application intégrale de l’Accord politique du 31décembre 2016, censé conduire le pays vers des élections présidentielle,législatives et provinciales d’ici la fin 2017.

Le 2 janvier 2018, MM.Carbone Beni et Cédric Kalonji ont été transférés dans les locaux de l’ANR enface de la primature.

Le 18 janvier 2018, MM. Jedidia Mabele,Zacharie Kingombe et Andy Djuma ont été libérés souscaution de la prison centrale de Kisangani.

Le 28 février 2018, M. Mino Bompomi et M. Grâce Tshiuza, détenusdepuis le 30 décembre 2017, ont été transférés des locaux de l’ANR en face dela primature, où ils étaient détenus depuis le 2 janvier 2018, vers le quartiergénéral de l’ANR à Kinshasa.

Le 6 mars 2018, laseconde chambre du Tribunal de paix de Kindu a acquitté M. Roger Mwenyemalides charges de « propagation de faux bruits » et ordonné salibération après plus de deux mois de détention arbitraire.

Le 3 avril 2018, M. Palmer Kabeya a été transféré dans les locaux de l’ANR.

Les 23, 30 mars et 4avril 2018, MM. Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma ontcomparu devant le Tribunal de paix de Makiso pour « incitation à larévolte ».

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloirécrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutescirconstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Mino Bompomi,Carbone Beni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya et Grâce Tshiuza ainsi que del’ensemble des défenseurs des droits humains en RDC ;

ii. Mener sans délaiune enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale ettransparente sur les allégations de mauvais traitements à l’encontre de MM.Carbone Beni Wa Beya et Palmer Kabeya, afin d’identifier les responsables, de les traduire devant untribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instrumentsinternationaux et régionaux de protection des droits humains, et d’appliquerles sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi ;

iii. Libérerimmédiatement et inconditionnellement MM. Mino Bompomi, Carbone Beni Wa Beya,Cédric Kalonji, Palmer Kabeya etGrâce Tshiuza ;

iv. Mettreun terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre de MM. Mino Bompomi, CarboneBeni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya, GrâceTshiuza, Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits humains en RDC ;

v. Dans l’attente de cesmesures, garantir le droit à un procès équitable de MM. Mino Bompomi, CarboneBeni Wa Beya, Cédric Kalonji, Palmer Kabeya, GrâceTshiuza, Jedidia Mabele, Zacharie Kingombe et Andy Djuma ;

vi. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs desdroits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale desNations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement ses articles 1 et12.2 ;

vii. Plus généralement, se conformer aux dispositionsde la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux etinternationaux relatifs aux droits humains ratifiés par la RDC.

Adresses :

· S.EM. Joseph Kabila, Président de la République, Fax +243 88 02 120

· M. Bruno Tshibala, PremierMinistre, E-mail : cabinet@primature.cd

· M.Alexis Tambwe Mwamba, Ministre de la Justice, Fax : + 243 88 05 521,E-mail : minjustdh@gmail.com ;

· Mme Marie-Ange Mushobekwa, Ministre des droits humains min-droitshumains@yahoo.fr

· M. Flory Kabange Numbi,Procureur Général de la République ; E-mail : florykan@yahoo.fr,pgr_rdc@yahoo.fr, pgr_rdcongo15@yahoo.com

· Missionpermanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies,E-mail : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82

· S.E.M. Dominique Kilufya Kamfwa, Ambassadeur, Ambassade de la Républiquedémocratique du Congo à Bruxelles, E-mail : secretariat@ambardc.eu.Fax : + 32.2.213.49.95

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la RDCdans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève, le 3 mai 2018

Merci de bien vouloir informer lObservatoire de toutes actions