Tunisie
09.03.07
Interventions urgentes

Le CNLT une nouvelle fois victime d'actes de harcèlement

Genève-Paris, le 9 mars 2007. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), dénonce une nouvelle fois les actes de harcèlement à l’encontre du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et de ses membres.

En effet, le 8 mars 2007, une trentaine de policiers a encerclé le siège du CNLT, afin d’empêcher plusieurs journalistes, venus assister à une conférence de presse organisée par l’ONG britannique Reprieve, d’accéder au local du CNLT, où devait se tenir la conférence. Ainsi, M. Mohamed Hamrouni, journaliste pour l’hebdomadaire Al maoukif, a été violemment sorti du bâtiment par des policiers, avant de réussir à s’enfuir lorsque des membres du CNLT sont intervenus. De même, M. Sahbi Smara, journaliste pour l’hebdomadaire Muwatinun, et M. Abdeljabbar Maddahi, membre de la section de Bizerte de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), ont été brutalisés par des policiers, qui les ont menacés s’il persistait à vouloir entrer dans le local.

D’autre part, le 7 mars 2007, une dizaine de policiers en civil avaient temporairement arrêté devant leur hôtel M. Christopher Chang et Mme Cori Crider, membres de Reprieve. Les ayant conduits au commissariat de Bab Bhar, ils les avaient interrogés sur la nature de leur mission et leurs contacts en Tunisie. M. Chang et Mme Crider étaient arrivés le 3 mars 2007 afin d’entrer en contact avec les familles et les avocats de détenus tunisiens emprisonnés à Guantanamo Bay. Ils ont également été soumis à une surveillance policière rapprochée durant tout leur séjour. Enfin, les policiers leur ont signifié qu’ils auraient dû préalablement obtenir l’autorisation de l’Agence tunisienne de communication (ATCE), alors qu’ils ne sont pas journalistes. Les policiers les ont également invités à ne plus avoir de relations avec le CNLT, ce dernier n’ayant toujours pas reçu de reconnaissance légale.

Par ailleurs, selon les informations reçues, le 8 mars 2007, la direction de la prison du Kef a délibérément interrompu la visite de Mme Samia Abbou, épouse de Me Mohamed Abbou, membre du CNLT et de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISSP), dès les cinq premières minutes, alors qu’elle commençait à rapporter à son mari les échos de la campagne internationale qui a eu lieu le 1er mars pour exiger sa libération. Il est à signaler que Me Mohamed Abbou reste détenu à la prison de Kef depuis le 1er mars 2005 pour avoir publié sur Internet une tribune dénonçant les conditions de détention en Tunisie[1].

L’Observatoire rappelle que le CNLT ne cesse d’être victime d’actes de harcèlement et ses activités sont constamment mises en difficulté par la police tunisienne[2]. Par conséquent, l’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation au regard de ces nouveaux actes de harcèlement, qui s’inscrivent dans un contexte de répression systématique des défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie.

En conséquent, l’Observatoire demande aux autorités tunisiennes de mettre un terme à tout acte de harcèlement à l’encontre des membres du CNLT et de tous les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, et de procéder à l’enregistrement du CNLT, ainsi qu’à celui des autres organisations indépendantes de défense des droits de l’Homme dont la reconnaissance légale a été jusqu’à présent refusée.

D’autre part, l’Observatoire demande aux autorités tunisiennes de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, notamment à son article premier qui dispose que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international », à son article 5.a selon lequel « afin de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de se réunir et de se rassembler pacifiquement. », et à son article 9.3.c selon lequel « chacun a le droit individuellement ou en association avec d’autres d’offrir et de prêter une assistance juridique professionnelle qualifiée ou tout autre conseil et appui pertinents pour la défense des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ».

Plus généralement, l’Observatoire demande aux autorités tunisiennes de se conformer plus généralement aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme liant la Tunisie.

Pour plus d’informations, merci de contacter :
OMCT : Delphine Reculeau : + 41 22 809 49 39
FIDH : Gaël Grilhot : + 33 1 43 55 25 18

[1] Cf. lettre ouverte conjointe de l’Observatoire, d’Amnesty international et de l’ACAT-France, 1er mars 2007.

[2] Cf. communiqué de presse du 8 novembre 2006.