Cameroun
09.02.04
Interventions urgentes

Cameroun: Mauvais traitements d'enfants

Cas CMR 220503.1.EE
EXACTION ENFANTS
Suivi du cas CMR 220503.EE

Genève, 6 février 2004

Le Secrétariat international de l’OMCT a reçu de nouvelles informations concernant la situation suivante au Cameroun.

Nouvelles informations

Le Secrétariat international de l’OMCT a été informé par le Mouvement pour la Défense des Droits de l’Homme et des Libertés (MDDHL), un membre du réseau de l'OMCT, de la remise en liberté des 13 enfants maltraités et exploités dans un "Centre de Re-éducation Civique" dans le quartier Doualaré à Maroua au cours de l'année 2003. L'OMCT se félicite de ces remises en liberté et souhaite remercier toutes les personnes et organisations qui sont intervenues au nom de ces enfants.

Cependant, selon les informations reçues, l'enquête ouverte contre Mal Bakary, responsable du centre, a été abandonnée et les enfants ne jouissent pas d'un soutien adéquat à leur réhabilitation.

Indépendamment, le Secrétariat international de l’OMCT a été informé par le MDDHL de la lenteur des autorités dans la prise en charge d'un garçon de 8 ans, maltraité par son père.

Informations supplémentaires

Premier cas:

Les 13 "enfants délinquants" avaient été abandonnés par leurs parents aux soins du « Centre de Re-éducation Civique » du Marabout Mal Bakary dans le quartier Doualaré à Maroua, où ils ont été maltraités et exploités. Les enfant étaient forcés, chaînes aux pieds, de casser et ramasser du gravier sur la montagne plusieurs fois par jour et subissaient des mauvais traitements sous couvert d’exorcisme. Suite à leur évasion de ce centre durant la nuit du 25 janvier 2003, 5 des enfants avaient initialement été logés au siège social du MDDHL, tandis que 8 autres avaient été retrouvés et ramenés au centre par leur "maître", puis finalement relâchés grâce aux pressions exercées par le MDDHL. Le Procureur de la République avait entrepris des poursuites judiciaires contre le Marabout Mal Bakary, mais la situation demeurait inchangée à la fin du mois de Mai 2003, et les enfants qui avaient été repris par le Centre demeuraient maltraités et exploités.

Dès que les collaborateurs du MDDHL avaient pris connaissance des mauvais traitements et de l'exploitation des enfants en Janvier 2003, ils avaient publiquement dénoncé les faits et demandé l'ouverture d'une enquête. Le 7 juin 2003, le Marabout avait promis dans une "lettre d'engagement" auprès de la délégation provinciale des affaires sociales de l'Extrême-Nord, d'abandonner les pratiques pédagogiques portant atteinte à l'intégrité physique et mentale des enfants "apprenants". Après certaines résistances, le procureur avait également reconnu la gravité des allégations dans une lettre adressée au ministre de la Justice le 24 juillet 2003. Une instruction aurait par la suite été ouverte contre Mal Bakary devant le tribunal pénal et une audience prévue pour le mois de janvier 2004. Néanmoins, cette audience n'a pas eu lieu à ce jour, et le MDDHL craint maintenant que le désintérêt manifeste des autorités responsables face à ce cas et l'impunité de Mal Bakary engendrent une éventuelle reprise des activités préjudiciables de ce dernier.

Par ailleurs, certains des enfants demeurent dans des situations difficiles, sans que les autorités responsables ne leur accordent l'assistance et les moyens requis pour s'assurer d'une réintégration adéquate et durable au sein de leurs familles et de la société civile.

Selon les informations reçues, les enfants Hamadou Bachirou et Mohama Bladi auraient pu être placés dans "l'Institution Camerounaise de l'Enfance" (ICE), un centre éducatif à Maroua, depuis septembre 2003. Cependant, Mohama n'y serait plus depuis le 22 décembre 2003, date depuis laquelle le MDDHL n'a plus reçu d'informations le concernant. Yaya Aboubakar et Mouktar Abba Boura seraient de retour dans leurs familles. Ali Boukar aurait aussi pu rentrer chez sa mère, mais aurait été temporairement détenu le 1er juillet 2003 pour présomption de complicité de vol. La situation des 8 enfants qui avaient été retrouvés par le Marabout au mois de janvier 2003, n'est pas connue avec exactitude. Certains auraient rejoint leurs familles, tandis que d'autres vivraient dans la rue.

L'OMCT regrette que l'audience annoncée pour janvier 2004 n'ai pas eu lieu et est préoccupée par la situation actuelle de certains des enfants. L'OMCT rappelle que la Convention relative aux droits de l'enfant, à laquelle le Cameroun est partie, stipule à l'article 19 que «les Etats parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitement ou d’exploitation (…). Ces mesures de protection doivent comprendre (…) des procédures efficaces pour l'établissement de programmes sociaux visant à fournir l'appui nécessaire à l'enfant et à ceux à qui il est confié, (…) et des procédures d'intervention judiciaire. ». L'article 39 de la Convention requiert par ailleurs que les « Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour faciliter la réadaptation physique et psychologique et la réinsertion sociale de tout enfant victime de toute forme de négligence, d’exploitation ou de sévices, de torture ou de toute autre forme de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou de conflit armé.»

Par ailleurs, l'OMCT souhaite rappeler les observations finales du Comité des droits de l'enfant sur la Cameroun (du 6 Novembre 2001), qui révèlent "que les structures d'accueil des enfants privés de leur milieu familial sont insuffisantes et que de nombreux enfants n'ont pas accès à ce type d'assistance." Il a ainsi suggéré aux autorités du Cameroun "d' accroître les moyens mis en œuvre pour assurer la protection de remplacement des enfants, et prévoyant notamment le renforcement des structures existantes." (38 et 39 (a))

Deuxième cas:

Selon les informations reçues, le MDDHL a recueilli Ndzamagai, un garçon de 8 ans sévèrement battu par son père, le 27 janvier 2004. Le MDDHL a aussitôt saisi la délégation des affaires sociales qui a emmené le garçon à l'hôpital central le 28 janvier, au vu des blessures dont il souffrait et à l'état de santé préoccupant de l'enfant. Après consultation, les médecins ont prescrit une ordonnance, et le délégué des Affaires Sociales aurait acheté les médicaments le lendemain, après insistance de la part du MDDHL. Depuis, ses membres auraient déployé tous les efforts pour que Ndzamagai soit placé dans un endroit où il recevrait tous les soins médicaux et psychologiques nécessaires, mais ces requêtes n'auraient pas été suivies d'effet. Par conséquent, le garçon continue d'être logé au siège du MDDHL.

L'OMCT déplore le mauvais traitement de Ndzamagai infligé par son père (qui aurait déjà maltraité son fils aîné, vivant actuellement chez sa grand-mère à Mokolo) et reste inquiète pour l'intégrité physique et psychologique du garçon. L'OMCT souhaite rappeler que, dans ses observations finales sur le Cameroun du 6 Novembre 2001, le Comité des droits de l'enfant se disait "vivement préoccupé par la très grande fréquence des sévices à enfants dans la famille", malgré le fait qu'il soient "considérés comme un crime aux termes de l'article 350 du Code pénal". Le Comité a donc recommandé aux autorités camerounaises "de mener des enquêtes approfondies sur la violence au sein de la famille (…), dans le cadre de procédures judiciaires prenant en compte les besoins des enfants, et de punir les responsables." (40 et 41 (b))

Actions requises

Nous vous prions de bien vouloir écrire aux autorités du Cameroun, en leur demandant:

i. d'assurer l'impartialité de l'enquête judiciaire concernant les présumés mauvais traitements et exploitation des 13 enfants par le Marabout Mal Bakary. Dans le but de mettre fin à son impunité, il devrait être jugé et voir s’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi;

ii. de localiser chacun de ces enfants, afin d'apporter l'assistance nécessaire à leur réintégration au sein de leurs familles en particulier, et dans la société civile en général;

iii. de garantir réparation aux victimes du Marabout et à leur familles;

iv. de garantir l'intégrité physique et psychologique du jeune Ndzamagai ainsi que l'assistance nécessaire pour sa récupération.

v. d'ouvrir une enquête sur les faits et de prendre les mesures sociales et judiciaires appropriées;

vi. de poursuivre, juger et punir tous les auteurs d’actes de torture, de mauvais traitement ou de traitements inhumains ou dégradants contre des enfants pour quelle raison que ce soit;

vii. de garantir le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tout le pays selon les lois nationales et les normes internationales, et notamment la Convention relative aux droits de l’enfant.

Adresses

M. Peter MAFANY MUSONGE, Premier Ministre, Prime Minister’s Office, 1000 Yaoundé, Cameroun, Fax: +237 223 5735

M. Amadou ALI, Ministre de la Justice, Ministère de la Justice, 1000 Yaoundé, Cameroun, Fax: + 237 223 0005/222 2154

M. Rémy ZE MEKA, Secrétaire d'Etat chargé de la Gendarmerie, Ministère de la Défense, 1000 Yaoundé, Cameroun, Fax: + 237 222 3998

Mme. Cécile BOMBA NKOLLO, Ministre des Affaires Sociales, Ministère des Affaires Sociales, 1000 Yaoundé, Cameroun, Fax : + 237 223 1121

Son Excellence l'Ambassadeur, M. Jean Simplice NDJEMBA-ENDEZOUMOU, Rue du Nant 6, CH-1207, Genève, Suisse, Fax: +4122 736 21 65

Prière d'écrire à la représentation diplomatique du Cameroun dans votre pays.

Genève, le 6 février 2004

Veuillez nous informer de toute action entreprise en citant le code de cet appel dans votre réponse.