Niger
08.08.14
Interventions urgentes

Appel à la protection des défenseurs des droits de l’Homme qui réclament plus de transparence et d’équité dans les relations entre l’Etat et les industries extractives au Niger

Le 8 août 2014,plusieurs ONG africaines et internationales dont l’Observatoire pour laprotection des défenseurs des droits de l’Homme ont publié une déclaration appelant à la protection des défenseurs des droits de l’Homme au Niger,exprimant leur préoccupation face à la récente arrestation de plusieursmilitants, qui semble avoir visé à étouffer leur plaidoyer lié à la questiondes entreprises et des droits de l’Homme.


Plusieurs défenseurs des droits de l’Homme nigériens qui plaident pour plus detransparence et d’équité dans les relations d’affaire entre le gouvernement etles industries extractives avaient été arrêtés le 18 juillet dernier lors de lavisite officielle du Président français. Ces militants dénonçaient l’opacitéautour des transactions entre le gouvernement du Niger et les industriesextractives, en particulier en ce qui concerne les contrats d’exploitationd’uranium avec la multinationale française Areva. Bien que libérés peu de tempsaprès leur arrestation, ces défenseurs des droits humains risquent toujoursd’être à nouveau harcelés et arrêtés.

Lire ladéclaration iciet ci-dessous :

Appel pour la protection des défenseurs des droits del’homme qui réclament plus de transparence et d’équité dans les relations entrel’Etat et les industries extractives au Niger


8 août 2014 – Lors de lavisite du Président de la République française François Hollande au Niger le 18juillet 2014, plusieurs membres de la société civile nigérienne ont été arrêtésà Niamey pour avoir réclamé plus de transparence et d’équité dans les relationsentre l’Etat et les industries extractives. Nous, les organisationssoussignées, exprimons notre vive inquiétude d’autant plus que parl’arrestation de ces défenseurs des droits de l’homme, les autorités semblentvouloir les faire taire et étouffer leur plaidoyer sur les questions liées auxentreprises et aux droits de l’homme, et plus particulièrement les entreprisesfrançaises et les autres multinationales.

Parmi les activistes arrêtésfigurait M. Ali Idrissa,coordinateur national du Réseau des Organisations de la Société Civile pour laTransparence dans les Industries Extractives et l'Analyse Budgétaire (ROTAB) etde Publiez Ce Que Vous Payez-Niger (PCQVP), mais aussi membre du conseild’administration de l’Initiative pour la Transparence dans les IndustriesExtractives (ITIE). Mme Solli Ramatou,coordinatrice nationale du Groupe de Réflexion et d’action sur les industriesExtractives au Niger (GREN), faisait également partie des personnes arrêtées,ainsi que Mme Naomi Stansley, M. Maikoul Zodi, M. Halidou Mounkaila, M. BoubacarIlliassou (membres du ROTAB), et M. BozariBoubacar (membre de GREN). Ces défenseurs ont par la suite tous été libérésle jour même.

Le ROTAB et le GREN œuvrentdepuis des années pour une plus grande transparence dans le secteur très opaquedes industries extractives. Le Collectif des organisations de la sociétécivile
« Sauvons le Niger » dont elles sont membres avait publié à la veille del’arrivée du Président François Hollande une déclaration dans laquelle ilappelait à plus de transparence et d’équité dans les contrats d’extractiond’uranium passés entre le Niger et le groupe nucléaire français Areva. LeCollectif avait également appelé les habitants de Niamey à accueillir lePrésident Hollande avec une écharpe jaune symbolisant le rejet de la politiquede pillage des ressources naturelles du pays par des sociétés étrangères.

Cette position tranchée duCollectif et sa volonté de profiter de la présence du Président Hollande pourmanifester son désaccord avec les relations politiques et économiques quiunissent la France au Niger et la manière dont Areva exploite l’uranium ont, semble-t-il,été à l’origine de l’arrestation des membres de la société civile, qui au jourd’aujourd’hui ne savent toujours pas si des charges seront formulées à leurencontre.

Nous, les organisations soussignées, considérons que lesdifférents membres de la société civile, notamment les ONG locales, jouent unrôle fondamental dans la défense des droits de l’homme face aux entreprises.Aussi, nous condamnons avec énergie l’arrestation des membres de la sociétécivile mentionnés ci-dessus. Leur arrestation nous parait être une violationmanifeste de leurs libertés d’expression et d’association.

Préoccupées par cecomportement des autorités nigériennes et soucieux du respect des droits desdéfenseurs des droits de l’homme, nous appelons le Niger à :

  • Garantir en toutescirconstances l’intégrité physique et psychologique des défenseurs des droitsde l’homme mentionnés ci-dessus ainsi que de l’ensemble des défenseurs desdroits de l’homme au Niger ;
  • Mettre un terme à touteforme de harcèlement - y compris judiciaire - à leur encontre ainsi que del’ensemble des défenseurs des droits de l’homme au Niger ;
  • Respecter la libertéd’expression, d’association et de manifestation de la société civile qui luttepour une gestion transparente des ressources naturelles ;
  • Se conformer auxdispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme,adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et plusparticulièrement :
- sonarticle 1 qui stipule que « chacun a le droit, individuellement ou enassociation avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation detous les droits
de l’homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveauxnational
et international » ;
- etson article 12.2 qui prévoit que « l’Etat prend toutes les mesures nécessairespour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne,individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace,représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre actionarbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans laprésente Déclaration » ;
  • Garantir en tant que paysconforme à l’ITIE, la transparence totale dans la gestion des revenus tirés desindustries extractives, un débat ouvert et sincère avec la société civile surles ressources naturelles et l’affectation des revenus qu’elles génèrent ;
  • S’assurer que les revenustirés des ressources naturelles bénéficient à toutes les couches de lapopulation ;
  • Respecter les obligationsincombant à l’Etat de protéger contre les atteintes aux droits humains par lesentreprises dans le cadre des Principes directeurs des Nations Unies relatifsaux entreprises et aux droits de l’homme, y compris d’assurer l'accès à desvoies de recours efficaces pour les victimes d’abus par les entreprises et deveiller « à ce qu’il ne soit pas fait obstacle aux activités légitimes etpacifiques des défenseurs des droits de l’homme » ;
  • Plus généralement, seconformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’hommeet instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’hommeratifiés par le Niger.

Réaffirmant laresponsabilité incombant aux entreprises de respecter les droits de l’homme,nous, les organisations soussignées, invitons Areva à :

  • Se conformer au droitnational Nigérien, y compris au Code minier;
  • Conformément aux Principesdirecteurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme,respecter tous les droits humains internationalement reconnus et faire preuvede diligence raisonnable en matière de droits de l'homme afin de prévenir,identifier, atténuer et remédier aux incidences négatives sur les droitshumains auxquelles l'entreprise contribue directement ou indirectement, y comprisen coopérant pour assurer l'accès à des recours effectifs pour les partiestouchées ;
  • Conformément à cesPrincipes, mener de véritables consultations avec les parties concernées, ycompris les défenseurs des droits de l’homme et les autres acteurs de lasociété civile, afin d'identifier les incidences négatives effectives oupotentielles sur les droits de l’homme auxquelles l'entreprise peut contribuerdirectement ou indirectement, et s’abstenir de toute intrusion dans l’exercicede leurs libertés d’expression, d’association, de réunion et de manifestationpacifique ;
  • Assurer la mise en œuvrecomplète de la Charte des Valeurs de l’entreprise, y compris « le respect desDroits de l’Homme, tels que définis dans la Déclaration Universelle des Droitsde l’Homme » ;
  • Déclarer publiquement sonopposition à tout obstacle aux activités légitimes des défenseurs des droits del’homme au Niger, y compris ceux qui réclament plus de transparence et d’équitédans les relations entre l’Etat et les industries extractives. 


NB : Le Centre de Ressourcessur les Entreprises et les Droits de l’Homme a, à plusieurs occasions, invitéAreva à répondre aux inquiétudes soulevées par la société civile au Niger.Toutes les réponses d’Areva à ce sujet se trouvent surson site. 


Notant les relationsd’amitié et de coopération qui existent entre le Niger et la France depuis desdécennies, nous, les organisations soussignées :

  • Encourageons les deux pays àmieux prendre en considération les préoccupations de la société civilenigérienne en matière de transparence et de respect des droits de l’homme parles entreprises ;
  • Appelons les autorités desdeux pays à garantir la liberté d’expression et d’association mais aussi ledroit de manifester publiquement et pacifiquement ;
  • Appelons les deuxgouvernements à s’assurer que les ressources naturelles du Niger, enparticulier l’uranium, servent au développement et au bien-être de tout lepeuple nigérien. 


Signée, 


ONG internationales (basées en dehors de l’Afrique)

1. Business & Human RightsResource Centre (Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme)

2. Front Line Defenders

3. Inclusive Development International

4. International Service for Human Rights

5. Justiça Global

6. Observatoire pour laprotection des défenseurs des droits de l’Homme (OBS), un programme joint de la FIDH (Fédération internationale desligues des droits de l'Homme) et l’Organisationmondiale contre la torture (OMCT)

7. Oxfam America

ONG et instituts africains

1. African Law Foundation (Nigeria)

2. Association Nigérienne deDéfense des Droits de L'Homme (Niger)

3. Centre for Applied LegalStudies, University of the Witwatersrand (Afrique du Sud)

4. Centre du CommerceInternational pour le Développement (CECIDE) (Guinée)

5. Centre pour la Justice et laRéconciliation (Rép. dém. du Congo)

6. Conseil Régional des OrganisationsNon Gouvernementales de Développement 
du Kasaï Oriental (CRONGD) (Rép. dém. duCongo)

7. Foundation for EnvironmentalRights, Advocacy & Development (Nigeria)

8. Groupe d'Appui auxExploitants des Ressources Naturelles (Rép. dém. du Congo)

9. Groupe de Recherche et dePlaidoyer sur les Industries Extractives (GRIPIE) (Côte d'Ivoire)

10. Groupe de Réflexion et d'Action sur les IndustriesExtractives au Niger (GREN) (Niger)

11. Justicia asbl (Rép. dém. du Congo)


12. Ligue Guinéenne des Droits de l'Homme (Guinée)

13. Ligue Sénégalaise des Droits Humains (Sénégal)

14. Lumière Synergie pour le Développement (Sénégal)

15. Peace Point Action (Nigeria)

16. Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme (Rép. du Congo)


17. South African Constitutional Literacy and Service Initiative (Afrique du Sud)