République démocratique du Congo
04.06.13
Interventions urgentes

Cambriolage du cabinet de Me Jean-Marie Kabengele Ilunga, avocat impliqué dans le procès relatif au double assassinat en 2010 de MM. Floribert Chebeya et Fidèle Bazana

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

Nouvelles informations
COD 002 / 0113 / OBS 013.1
Cambriolage / Vol de documents
République démocratique du Congo
4 juin 2013

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en République démocratique du Congo (RDC).

Nouvelles informations :

L'Observatoire a été informé du cambriolage du cabinet d'un avocat impliqué dans le procès relatif au double assassinat en 2010 de MM. Floribert Chebeya, directeur exécutif de la Voix des sans voix (VSV) et membre de l’Assemblée générale de l’OMCT, et Fidèle Bazana, membre de la VSV.

Selon les informations reçues, dans la nuit du 29 au 30 mai 2013, le cabinet de Me Jean-Marie Kabengele Ilunga, un avocat très actif dans l'affaire « Chebeya-Bazana », a été saccagé par des inconnus. Un sac contenant des conclusions et notes de plaidoiries relatives au procès un important lot d'ouvrages, une toge et des effets personnels ont été dérobés à cette occasion. Suite au cambriolage, Me Kabengele Ilunga a déposé plainte auprès de la police nationale, qui a acté le dépôt de plainte, puis du procureur du Tribunal de Gombe.

Le bâtiment qui héberge le cabinet de Me Kabengele est situé en plein centre ville, non loin du quartier général de l'Agence nationale de renseignements (ANR) et de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO). Un service de la Direction générale des impôts se trouve par ailleurs dans le même immeuble, et des familles y résident de manière permanente.

Ces faits interviennent dans un contexte où plusieurs défenseurs qui suivent ce même dossier et d'autres avocats ont notamment reçu ces dernières semaines des menaces ou des appels anonymes visant à les intimider, alors que l'instruction du procès en appel dans l'affaire « Chebeya-Bazana » a repris devant la Haute cour militaire le 9 avril 2013[1].

L'Observatoire s'inquiète du cambriolage du cabinet de Me Kabengele Ilunga ainsi que des menaces proférées à l'encontre des défenseurs des droits de l'Homme congolais qui suivent l'affaire « Chebeya-Bazana », en ce que ces faits ne semblent viser qu'à sanctionner leurs activités de défense des droits de l'Homme.

L'Observatoire réitère par ailleurs son appel aux parlementaires congolais pour l'adoption du projet de loi portant « Promotion et protection des défenseurs des droits de l’Homme et des dénonciateurs d’actes de corruption et de détournement des deniers publics » tel que rédigé suite aux concertations menées entre les autorités et la société civile en 2011[2], afin de concrétiser leur volonté exprimée de protéger la société civile et renforcer l’Etat de droit en République démocratique du Congo.

Rappel des faits :

Début janvier 2013, Me Jean-Marie Kabengele Ilunga a reçu des appels anonymes provenant de numéros masqués et indétectables par son opérateur de téléphonie mobile. Ces appels survenaient au moment où celui-ci s'apprêtait à entrer dans son cabinet. A chaque fois, son interlocuteur restait muet.

Par ailleurs, le 20 décembre 2012, le colonel Masungi, premier président de la Cour militaire de Kinshasa-Gombe, avait adressé une lettre au bâtonnier du barreau de Kinshasa/Matete auprès duquel Me Jean Marie Kabengele Ilunga est inscrit, afin de l'enjoindre à initier une action disciplinaire à son encontre pour « absence lors d'une audience consacrée aux affaires des militaires de l’Equateur ». Me Kabengele Ilunga a rétorqué à ce titre qu'il s'agissait d'une audience consacrée à la lecture d'un jugement avant dire droit, et que la législation congolaise n'obligeait aucunement un avocat à assister en personne à une audience de ce type. Le bâtonnat a décidé de classer l'affaire sans suite.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités congolaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Me Jean-Marie Kabengele Ilunga et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en République démocratique du Congo ;

ii. Mener sans délais une enquête exhaustive, indépendante, effective, rigoureuse, impartiale et transparente quant au cambriolage et aux menaces décrits ci-dessus, afin d'identifier les responsables, de les traduire devant un tribunal indépendant, compétent et impartial conformément aux instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’Homme, et d’appliquer les sanctions pénales, civiles et/ou administratives prévues par la loi;

iii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à l'encontre de Me Jean-Marie Kabengele Ilunga ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en RDC ;

iv. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement :

- son article 1 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;

- son article 6 qui stipule que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d'autres: a) De détenir, rechercher, obtenir, recevoir et conserver des informations sur tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales en ayant notamment accès à l'information quant à la manière dont il est donné effet à ces droits et libertés dans le système législatif, judiciaire ou administratif national ; b) Conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l'homme et toutes les libertés fondamentales ; c) D'étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu'en pratique, de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d'appeler l'attention du public sur la question” ;

- et son article 12.2 qui prévoit que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration” ;

v. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la RDC.

Adresses :

· S.E M. Joseph Kabila, Président de la République, Cabinet du Président de la République, Palais de la Nation, Kinshasa/Gombe, République Démocratique du Congo, Fax +243 88 02 120
· M. Richard MUYEJ MANGEZ Ministre de l'Intérieur et Sécurité, Email : adolumanu@yahoo.fr
· Madame Wivine MUMBA MATIPA, Ministre de la Justice et des Droits Humains, BP 3137, Kinshasa Gombé, République Démocratique du Congo, Fax : + 243 88 05 521, Email : luzolobambi@yahoo.fr
· Mission permanente de la République démocratique du Congo auprès des Nations unies, Avenue de Budé 18, 1202 Genève, Suisse, Email : missionrdc@bluewin.ch, Fax : +41 22 740.16.82
· S.E. M. Henri Mova Sakanyi, Ambassadeur, Ambassade de la République démocratique du Congo à Bruxelles, 30 Marie de Bourgogne, 1000 Bruxelles, Belgique. Email : secretariat@ambardc.eu. Fax : + 32.2.213.49.95

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la RDC dans vos pays respectifs.

***
Paris-Genève, le 4 juin 2013

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Cf. Communiqué de presse de l'Observatoire du 14 mai 2013.
[2] Cf. Lettre ouverte de l'Observatoire du 24 août 2011.