Bélarus
03.08.01
Interventions urgentes

Bélarus: Communiqué de presse de la mission de l'Observatoire

COMMUNIQUÉ DE PRESSE : RÉPUBLIQUE DU BÉLARUS


La liberté d’association réprimée



La mission d’enquête internationale mandatée par l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT), qui s’est rendue en Bélarus du 14 au 21 juillet 2001, a pu rendre compte des graves entraves à la liberté associative. Les violations recensées par la mission sont d’ordre législatif et réglementaire mais aussi administratif, judiciaire et policier.

La création d’associations est régie par des dispositions particulièrement contraignantes. En effet, même les ONG déjà enregistrées officiellement doivent se ré-enregistrer auprès des autorités conformément au décret du 26 janvier 1999. La demande de ré-enregistrement doit inclure un certificat mentionnant l’adresse du siège de l’organisation délivré par les autorités locales lesquelles multiplient les obstacles administratifs pour l’obtention de ce document. Les locaux disponibles appartenant en majorité à des institutions ou entreprises étatiques, les autorités profitent de cette disposition pour augmenter arbitrairement les loyers des bureaux utilisés par les ONG.

Le financement des associations est lui soumis au décret présidentiel n°8 du 12 mars 2001 qui fixe les conditions de réception et d’utilisation de l’aide financière gratuite en provenance de l’étranger. Ce décret dispose en particulier que cette aide étrangère ne peut être utilisée à des fins de propagande, d’organisation de manifestations publiques (marches, rassemblements, séminaires, etc…) de nature politique et sociale.

L’organisation de réunions et de manifestations est régie par le décret n°11 du 7 mai 2001 qui prévoit des dispositions particulièrement contraignantes sur le lieu, la date et les modalités préalables. Les manifestations pacifiques sont régulièrement violemment dispersées et les manifestants victimes de mauvais traitements et de brutalités policières. Les enquêtes ouvertes sur plaintes des victimes échouent le plus souvent. Par contre, il est fréquent que les manifestants ainsi que les organisateurs soient poursuivis pénalement pour « hooliganisme ».

La recherche et l’obtention d’informations sur tous les droits de l’Homme et libertés fondamentales et leur publication sont entravées. La détention arbitraire de Yuri Bandazhevsky, scientifique de réputation internationale spécialisé dans la recherche médicale liée à la radio-activité nucléaire est à ce titre exemplaire. M. Bandazhevsky, recteur de l’Institut d’Etat de Médecine de Gomel (seconde ville du pays) a été inculpé puis condamné le 18 juin 2001 à huit années de détention à régime sévère au motif qu’il aurait demandé des pots de vin aux parents d’élèves de l'Institut. Le vice-recteur, principal témoin à charge, a réfuté sa déposition au cours du procès. De nombreux experts présents, y compris ceux mandatés par l’OSCE, ont conclu que M. Bandazhevsky n’a pas eu droit à un procès juste et équitable. Il est notoire que ce médecin a révélé au cours de ses travaux de recherche les effets néfastes de la catastrophe de Tchernobyl sur la santé de la population en Bélarus, en contradiction avec la thèse officielle diffusée par les autorités. Par ailleurs, M. Bandazhevsky avait critiqué le détournement de budgets au sein du ministère de la Santé qui auraient du servir à la recherche dans ce domaine.

Les ONG, syndicats et médias sont soumis à différents types de harcèlement et actes d’intimidation : écoutes téléphoniques, vols de matériel. En mai 2001, les bureaux à Minsk de l’Association for Legal Assistance to the Population ont été cambriolés et des ordinateurs comprenant des dossiers confidentiels ont été volés. Dans la nuit du 7 au 8 juillet, les disques durs des ordinateurs du Belarusian Helsinki Committee (siège de Minsk) ont été dérobés, notamment ceux qui contenaient la liste des observateurs indépendants devant suivre les prochaines élections présidentielles. En outre, de façon arbitraire et systématique, les ONG «gênantes» se voient soumises à un contrôle fiscal.

Les syndicats sont une des principales cibles de la répression menée par les autorités bélarusses : tentatives d’infiltration des syndicats indépendants, modalités d’enregistrement particulièrement contraignantes, création de syndicats contrôlés par l’Administration présidentielle et pressions exercées sur les employés.

Les multiples obstacles imposés aux activités des défenseurs des droits de l’Homme relèvent d’une stratégie délibérée des autorités visant à contrôler et neutraliser les ONG, syndicats, et médias indépendants.

Ces violations s’inscrivent dans un climat politique particulièrement tendu à l’approche des élections présidentielles de septembre 2001.

Ces faits constituent une flagrante violation des libertés d’association, de réunion, de manifestation et d’expression garanties notamment par la Déclaration universelle des droits de l’Homme, le Pacte relatif aux droits civils et politiques – ratifié par le Bélarus -, la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme et la Convention N°87 de l’OIT sur la liberté syndicale –ratifiée également par le Bélarus.

L’Observatoire appelle les plus hautes autorités du Bélarus à abroger l’ensemble des décrets contraires aux principes et normes applicables conformément aux engagements internationaux et régionaux par le pays. L’Observatoire appelle également le Bélarus à mettre un terme à toute forme de harcèlement, représailles à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme afin qu’ils puissent individuellement ou en association avec d’autres, promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme.



Publication du rapport de mission en septembre 2001