Algérie
07.09.12
Interventions urgentes

Arrestation et nouveau procès contre M. Abdelkader Kherba, et poursuite judiciaires contre d'autres défenseurs

APPEL URGENT - L'OBSERVATOIRE

Nouvellesinformations

DZA 003 / 0912 / OBS 037.3

Harcèlement judiciaire / Détentionarbitraire

Algérie

7 septembre 2012

L'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de lHomme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de lHomme (FIDH) et de lOrganisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de touteurgence sur la situation suivante en Algérie.

Nouvellesinformations :

LObservatoire a été informé par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme (LADDH) de l'arrestation et d'unnouveau procès ouvert contre M. Abdelkader Kherba, membre du Comiténational de défense pour le droit des chômeurs (CNDDC) et de la LADDH, ainsique de poursuites judiciaires engagées contre MM. Abdou Bendjoudi,blogueur et membre du Mouvement de la jeunesse indépendante pour le changement(MJIC), Yacine Zaïd, président de la section de Laghouat de la LADDH et AthmaneAouameur, membre du Réseau de défense de la Liberté et des Dignités (RDLD).

Selon les informations reçues, le 21 août 2012, M.Kherba a été arrêté par un policier dans le cadre de la procèdure de flagrantdélit alors qu'il s'apprêtait à filmer une manifestation pacifique contre lescoupures prolongées d'eau courante dans la localité de Ksar El Boukhari (wilayade Médéa). Le 22 août 2012, le procureur de la République du Tribunal de KsarEl Boukhari a ordonné sa mise en détention préventive pour « outrage etviolences à l'encontre d'un fonctionnaire » en application des articles 144 et148 du Code pénal. Cette arrestation fait suite à une plainte déposée contre M. Kherba le 5 juin 2012 par unagent d'accueil de la daïra de Ksar Boukhari qui l'accuse de lui avoir portédes coups le 3 juin 2012. Or, M. Kherba ne se trouvait pas sur les lieux enquestion le 3 juin 2012, mais assistait à une réunion du CNDDC au siège duSyndicat national autonome des personnels de l'administration publique(SNAPAP), à Alger. En outre, l'application de la procédure de flagrant délitdans ce cas apparaît comme abusive s'agissant de faits qui se seraient déroulésplus de deux mois auparavant.

La comparution de M. Kherba dans le cadre de cetteaffaire, initialement fixée au 28 août 2012, a finalement eu lieu le 4septembre à la demande du collectif d'avocats de la défense afin de permettrela présentation des témoins. Les procès verbaux d'audition des témoins versésau dossier font ressortir d'importantes contradictions. Les réquisitions duprocureur, qui a demandé un an d'emprisonnement et 20 000 DA (environ 200Euros) d'amende, font craindre l'exécution de la peine d'un an de prison avecsursis prononcée contre lui le 3 mai 2012 dans le cadre d'une précédenteaffaire (voir Rappel des faits). Le verdict sera rendu le 11 septembre 2012.

Par ailleurs, le 4 septembre, M. Kherba entamait sonquinzième jour de grève de la faim et comparaissait devant le tribunal dans desconditions de santé préoccupantes.

D'autre part, le tribunal de Bab El Oued a égalementengagé des poursuites judiciaires contre MM. Abdou Bendjoudi, Yacine Zaïd etAthmane Aouameur pour « incitation à attroupement non armé » en application del'article 100 du Code pénal, risquant jusqu'à un an d'emprisonnement et 5 000DA d'amende. Les trois défenseurs des droits de l'Homme sont poursuivis suite àleur participation à un rassemblement contre le harcèlement judiciaire de M.Abdelkader Kherba lors du procès de ce dernier du 26 avril 2012 (voir Rappeldes faits). Leur procès, initialement prévu le 19 juin 2012, a finalement étéreporté au 27 septembre 2012.

L'Observatoire dénonce vivement la détentionarbitraire de M. Abdelkader Kherba et le nouveau procès intenté contre luiainsi que le harcèlement judiciaire à l'encontre de MM. Abdou Bendjoudi, YacineZaïd et Athmane Aouameur, dans la mesure où ils ne semblent viser qu'àsanctionner leurs activités de défense des droits de l'Homme. L'Observatoireappelle les autorités algériennes à libérer M. Kherba immédiatement et sansconditions, et à abandonner toute forme de poursuites judiciaires arbitraires àson encontre et, plus généralement, à mettre fin au harcèlement judiciaire àl'encontre de l'ensemble des défenseurs des droits de l'Homme en Algérie.

Rappel des faits :

Le 18 avril 2012, au cours d'un sit-in organisé devantle Tribunal de Sidi Mohamed dans le cadre du mouvement de protestation desgreffiers lancé dix jours auparavant, M. Abelkader Kherba a été arrêté par desagents des forces de sécurité d'Alger, qui lui ont confisqué sa caméra. Laprésence de M. Kherba à ce sit-in témoignait de son soutien aux revendicationsde ces travailleurs dénonçant les conditions de travail dans le milieu de lajustice en Algérie.

Le 19 avril 2012, M. Kherba a comparu devant leParquet qui l'a interrogé sur les raisons de sa présence à la manifestation.Ses avocats et lui même ont finalement été notifiés de l'ouverture d'uneprocédure en flagrant délit sur les chefs d'incitation à un attroupement et deson placement en détention provisoire.

Lors de sa détention préventive, M. Kherba asubi des conditions procédurales particulièrement difficiles. D'une part, lapoursuite de la grève des greffiers a empêché à ses avocats l’accès au dossierjudiciaire de M. Kherba ainsi que l’obtention d'un permis de communication avecle détenu. D’autre part, les procédures de flagrant délit sont, habituellement,très rapidement traitées. En l'espèce, l'écart d'une semaine entre lacomparution devant le Parquet et la date prévue du procès semblait constituerune prolongation volontaire de la durée de détention provisoire de M. Kherba.

Le 26 avril 2012, alors que plusieurs militantsvenaient assister au procès de M. Kherba afin de lui témoigner de leur soutien,ces derniers se sont vus refuser l'accès à la salle d'audience du Tribunal deSidi Mohamed en violation du principe de publicité des débats. Seules lespersonnes convoquées dans le cadre de cette audience (avocats, prévenus ettémoins) ont ainsi pu accéder au tribunal. Au cours du procès, le procureur arequis trois ans de prison ferme à l'encontre de M. Kherba pour «incitationdirecte à attroupement», «usurpation de fonction» et «entrave au fonctionnementd'une institution». Dans l’attente du verdict, M. Kherba a été maintenu endétention provisoire.

En parallèle, un sit-in était organisé devant letribunal par les militants pour dénoncer le harcèlement judiciaire subi par M.Kherba. Ce sit-in a été réprimé par les policiers qui ont arrêté au moins septpersonnes dont MM. Hakim Addad, Tahar Belabès, Mourad Tchiko, Abdou Bendjoudiet Yacine Zaïd. Tous ont été relâchés après avoir passé la journée dans différentscommissariats d’Alger. Des poursuites judiciaires ont toutefois été engagéescontre MM. Abdou Bendjoudi et Yacine Zaïd.

Le 3 mai 2012, le Tribunal de Sidi Mohamed, à Alger, areconnu M. Kherba coupable d'« incitation directe à un attroupement » et l'acondamné à une peine d'un an de prison avec sursis accompagnée d'une amende de20 000 DA. M. Kherba a été libéré dans l'après midi du même jour, après près de15 jours de détention arbitraire. En conséquence, M. Kherba risquait à toutmoment d’être condamné à exécuter sa peine en cas de nouvelle arrestationarbitraire. Ses avocats ont fait appel de ce jugement, appel pour lequel laprochaine session aura lieu le 16 septembre 2012.

Actions requises:

LObservatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités algériennes en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances lintégrité physique et psychologique de M. Abelkader, ainsi que del'ensemble des défenseurs des droits de lHomme algériens ;

ii. Libérer de manière immédiate et inconditionnelle M.Abelkader Kherba, dans la mesure où le harcèlement judiciaire dont il faitl'objet ne semble viser qu'à sanctionner ses activités de défense des droits del'Homme ;

ii. Mettre un terme à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à lencontre de MM. Abelkader Kherba,Abdou Bendjoudi, Yacine Zaïd et Athmane Aouameur, ainsi que de tous les défenseurs des droits de lHomme algériens, afin quils puissent mener leurs activités de défense des droits