Burundi
22.05.14
Interventions urgentes

Détention arbitraire de M. Pierre Claver Mbonimpa, président de l'APRODH

BDI 001 /0514 / OBS 044

Détentionarbitraire /

Harcèlementjudiciaire

Burundi

22 mai 2014

L’Observatoire pour laprotection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de laFédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et del’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir detoute urgence sur la situation suivante au Burundi.

Description de la situation:

L'Observatoire a étéinformé par des sources fiables de l'arrestation de M. Pierre Claver Mbonimpa, président del'Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues(APRODH) et lauréat du Prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits del’Homme 2007, vraisemblablement pour avoir dénoncé l'existence de centresd'entraînement de jeunes Burundais à l'est de la République démocratique duCongo (RDC).

Selon les informationsreçues, le 20 mai 2014 à 9h30, M. Pierre Claver Mbonimpa a comparu devant leparquet de la mairie de Bujumbura. Vers 14h, il a été ramené à la prisoncentrale de Mpimba après près de quatre heures d'audition, au cours desquellesil a été interrogé sur ses déclarations dans la presse sur l’existence decentres d'entraînement et sur les preuves qu'il dit détenir à cet égard. Aucunedate n’a pour le moment été fixée concernant son éventuelle prochainecomparution.

Le 15 mai 2014 auxalentours de minuit, M. Pierre Claver Mbonimpa avait été arrêté à l’aéroport deBujumbura par un agent du Service national de renseignement. Il a ensuite ététransféré dans les locaux de la police judiciaire de Bujumbura, où il a passésa première nuit en détention.

Suite à son auditiondevant le parquet le 16 mai 2014, M. Pierre Claver Mbonimpa a été mis enaccusation sur le fondement des articles 579 et 602 du Code pénalrespectivement pour « atteinte à la sûreté de l’État », et« incitation à la désobéissance publique » et « troubles de lapaix publique » en lien avec des remarques formulées sur la Radio publique africaine (RPA) le 6 mai2014 et dénonçant l’existence de centres d’entraînement de jeunes Burundais àl’est de la RDC.

Antérieurement à sonarrestation M. Pierre Claver Mbonimpa avait été cité à comparaître à troisreprises devant la police judiciaire de Bujumbura, respectivement les 7, 12 et14 mai 2014, en lien avec ses déclarations sur la RPA. Les convocations successives de M. Pierre Claver Mbonimpa fontégalement suite à son travail sur la militarisation et les activités des« Imbonerakure », la ligue des jeunes du parti au pouvoir (leCNDD-FDD). Les jeunes « Imbonerakure » sont suspectés de s'armer etde s'entraîner militairement en RDC[1].M. Mbonimpa aurait coopéré avec la police et aurait donné les noms de personnesrendant visite aux « Imbonerakure » établis en RDC. Le président del'APRODH a affirmé détenir des preuves, notamment des photographies, quiviendraient étayer ses propos et a été invité à les fournir lors de sesconvocations des 7 et 12 mai, auxquelles il s'est présenté.

N'ayant pu se rendre àla convocation du jeudi 15 mai en raison d'un déplacement à l'étranger, sonavocat Me ArmelNiyongere a comparu expliquant les motifs de l'absence de sonclient. M. Mbonimpa a reçu dans la soirée une nouvelle convocation pour lelundi 19 mai. Malgré l'existence de cette convocation, un mandat d'arrêt a été néanmoinssigné par le Procureur de la municipalité de Bujumbura lejeudi 15 mai.


L'Observatoire s’inquiète de l’arrestationarbitraire de M. Pierre Claver Mbonimpa,qui semble ne viser qu'à entraver ses activités en faveur de la défense desdroits de l'Homme, et appelle les autorités burundaises à procéder à sa libérationimmédiate et inconditionnelle.

Actions requises:

L’Observatoirevous prie de bien vouloir écrire aux autorités burundaises en leur demandantde :

i. Garantir en toutescirconstances l’intégrité physique et psychologique de M. Pierre Claver Mbonimpaet de tous les défenseurs des droits de l'Homme au Burundi ;

ii. LibérerM.Pierre Claver Mbonimpa de manière immédiate etinconditionnelle, son arrestation ne semblant viser qu'à entraver ses activités en faveur de la défense des droits del'Homme ;

iii. Mettre un termeà toute forme de harcèlement à l'encontre de M. Pierre Claver Mbonimpa, ainsi que detous les défenseurs des droits de l’Homme au Burundi ;

iv. Seconformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits del’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998,et plus particulièrement :

- à son article 1 qui prévoit que « chacun a le droit,individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protectionet la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales auxniveaux national et international »,

- à son article 6(b), selon lequel « chacun a le droit,individuellement ou en association avec d’autres, conformément aux instrumentsinternationaux relatifs aux droits de l’Homme et autres instrumentsinternationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuserlibrement des idées, informations et connaissances sur tous les droits del’Homme et toutes les libertés fondamentales »,

- à son article 12.2 qui dispose que « l’Etat prendtoutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentesprotègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, detoute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure,pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime desdroits visés dans la présente Déclaration » ;

v. Plusgénéralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle desdroits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs auxdroits de l’Homme ratifiés par le Burundi.

Adresses:

· S.E. PierreNkurunziza, Président de la République, Présidence de la République, Boulevardde l’Uprona, Rohero I, BP 1870, Bujumbura, Burundi. Fax : +257 22 22 74 90

· M. Prosper Bazombanza, Premier Vice-président, BP 1870,Bujumbura, Burundi. Fax : +257 22226424

· Lt GeneralMajor Pontien Gaciyubwenge, Ministre de la Défense nationale et des ancienscombattants, Fax : +257 22253215 / 22253218, Email : mdnac@yahoo.fr

· Me Clotilde Niragira, Ministre de la solidarité nationale,des droits de la personne et du genre BP : 6518 Bujumbura, Burundi.Fax : + 257 22 25 82 50

· Commissaire Gabriel Nizigama, Ministre de la sécuritépublique, BP : 1910 Bujumbura, Burundi. Fax : + 257 22 24 53 51, Email :mininter@yahoo.fr

· Missionpermanente de la République du Burundi auprès des Nations unies, rue deLausanne 44, 1201 Genève, Suisse. Fax : +41 22 732 77 34. Email : mission.burundi@bluewin.ch

· Ambassade duBurundi à Bruxelles, Square Marie-Louise 46, 1000 Bruxelles, Belgique.Fax : +32 2 230 78 83, Email : ambassade.burundi@skynet.be

Prièred’écrire également aux représentations diplomatiques du Burundi dans vos paysrespectifs.

***

Paris-Genève,le 22 mai 2014

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutesactions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, avocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violationset à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire,appeler La Ligne d’Urgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80

· Telet fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Une note confidentielle de l'ONUdatée du 3 avril 2014 fait part de la distribution d'armes (en particulier dutype AK-47) et d'uniformes aux jeunes « Imbonerakure », et décritleur militarisation comme constituant « une menace majeure pour la paix auBurundi ». Les « Imbonerakure » sont accusés de commettre desviolences politiques à l'encontre de l'opposition. Depuis le début de 2014, ilsont été impliqués dans 27 cas de violences dont 23 à caractère politique. Lajeunesse du parti au pouvoir opère en toute impunité à la manière d'une milice,ne répondant plus devant les forces de l'ordre et agissant selon une chaîne decommande décentralisée. Accessible à : http://burundiintwari.com/?p=2281