France
20.12.18
Interventions urgentes

Annulation de la condamnation et de la poursuite du harcèlement judiciaire de M. Pierre-Alain Mannoni

APPEL URGENT- L'OBSERVATOIRE

Nouvelles informations

FRA 002 / 0917 / OBS 097.1

Harcèlement judiciaire

France

20 décembre 2018

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme,un partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture(OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de touteurgence sur la situation suivante en France.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé par la Ligue des droits de l’Homme (LDH) del’annulation de la condamnation et de la poursuite du harcèlement judiciaire deM. Pierre-Alain Mannoni, ingénieur à l’Université de NiceSophia-Antipolis, engagé dans la défense des droits des personnes migrantes etréfugiées notamment dans la vallée de la Roya, région des Alpes Maritimes quiborde la frontière italienne.

Selon les informations reçues, le 12 décembre 2018, la Chambrecriminelle de la Cour de cassation[1]a annulé la condamnation à deux mois de prison avec sursis de M. Pierre-AlainMannoni, qui avait été condamné le 11 septembre 2017 par la Cour d’appeld’Aix-en-Provence pour avoir aidé et transporté sur le territoire françaistrois jeunes migrantes Érythréennes blessées, dont une mineure (voir rappel desfaits).

Faisant application de la loi nouvelle n° 2018-778 du10 septembre 2018 « pour une immigration maîtrisée, un droit d'asileeffectif et une intégration réussie »,qui tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2018/718du 6 juillet 2018[2] concernant le« délit de solidarité », la Cour de Cassation a annulé la décision dela Cour d’appel d’Aix-en-Provence concernant la déclaration de culpabilité duchef d’infractions au Code de l’entrée et du séjour des Étrangers et du droitd’asile (Ceseda) et la peine.

Mr. Pierre-Alain Mannoni est renvoyé devant la Courd’appel de Lyon pour y être à nouveau jugé, à la lumière de la nouvellerédaction de l’article 622-4 du Ceseda qui exonère de poursuites pénales l'aideà la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger « lorsque l’acte reproché n’a donné lieu à aucune contrepartie directeou indirecte et a consisté à fournir des conseils ou accompagnementsjuridiques, linguistiques ou sociaux, ou toute autre aide apportée dans un butexclusivement humanitaire »[3].

M. Mannoni n’est pas le seul défenseur desdroits humains harcelé en France pour son soutien aux personnes migrantes etréfugiées. Plusieurs se sont plaints de la multiplication des cas deconvocations au commissariat, de gardes à vue et de poursuites pour aide auséjour irrégulier ou autres délits[4].

L’Observatoiresalue l’annulation de la condamnation de M. Pierre-Alain Mannoni par la Cour decassation, mais rappelle que celle-ci an’aurait jamais dû arriver en premierlieu. L’Observatoire appelle donc les autorités françaises à mettre un terme àtoute forme de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, à l’encontre de M.Pierre-Alain Mannoni et celle de l’ensemble des défenseurs des droits humainsvisés dans le cadre de leurs actions en faveur des personnes migrantes etréfugiées en France.

Rappel des faits :

Le 18 octobre 2016,M. Pierre-Alain Mannoni a été interpellé par la gendarmerie de Grasse à lagare de péage de la Turbie et placé en garde à vue alors qu’il transportaitdans son véhicule trois jeunes femmes d’origine érythréenne. Celui-ci les avaitpris en charge à Saint-Dalmas-de-Tende, alors qu’elles se trouvaient dans unbâtiment abandonné, investi par un collectif d’association.

Face à la situation« dramatique » dans laquelle ces jeunes femmes se trouvaient,M. Pierre-Alain Mannoni a décidé d’accueillir les trois jeunes femmes, quin’avaient nulle part où aller, à son domicile, sans aucune contrepartie, avantde les conduire à la gare de Cagnes-sur-Mer.

Une procédure pénalevisant M. Pierre-Alain Mannoni a par la suite été ouverte lui reprochantd’avoir porté assistance à trois personnes migrantes originaires d’Erythréedont une mineure, et qu’il savait en situation irrégulière sur le territoire,aux termes de l’article L.622-1 du Ceseda.

Le 6 janvier 2017, leTribunal correctionnel de Nice, siégeant en première instance, a prononcé larelaxe de M. Pierre-Alain Mannoni estimant que celui-ci avait agi pourpréserver la dignité des personnes « prenant en compte la situation defragilité particulière et de détresse dans laquelle se trouvaient cespersonnes » et pour « préserver la dignité et l’intégrité des troismigrantes, mettant en œuvre tout moyen, toute aide et en l’espèce en leurpermettant de quitter dans son véhicule un lieu inadapté afin de les mettre ensécurité dans son appartement ». Le tribunal concluait que l’action deM. Pierre-Alain Mannoni entrait dans le champ de l’article L.622-4 duCeseda qui prévoie une immunité pénale lorsque l’assistance en question n’adonné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte.

A l’issue de laprocédure en première instance, M. Christian Estrosi, maire de la ville deNice, avait dénoncé la relaxe de M. Pierre-Alain Mannoni, l’accusant demettre « en danger la sécurité des français ». Une plainte endiffamation contre M. Christian Estrosi a été déposée le 3 mars 2017.

Le procureur a faitappel de la décision et l’audience d’appel s’est déroulée le 26 juin 2017devant la Cour d’appel d’Aix en Provence.

Lors de l’audience du26 juin 2017, l’avocat général de la Cour d’appel a requis une peine de troismois de prison avec sursis à l’encontre de M. Pierre-Alain Mannoni. Selonlui, M. Pierre-Alain Mannoni « est un citoyen ordinaire qui nerespecte pas le texte de loi en le connaissant très bien du fait de ses activitésmilitantes » et qui fait craindre un « risque de réitérationtrès important ». M. Pierre-Alain Mannoni avait été relaxé enpremière instance.

Le 11 septembre 2017,la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu son verdict dans la procédure pénaleengagée à l’encontre de M. Pierre-Alain Mannoni, pour « aide àl’entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d’un étranger enFrance » (article L.622-1 du Ceseda), après qu’il ait porté assistance àtrois personnes migrantes originaires d’Erythrée dont une mineure en situationde détresse. M. Mannoni a été condamné à deux mois de prison avec sursis.

La vallée de la Royadans les Alpes Maritimes, qui compte 5000 habitants, est le théâtre d’une vasteopération policière visant à intimider le passage et la présence de migrants.La vallée est en permanence surveillée par environ quatre-cents policiers et/ougendarmes, qui opèrent un contrôle strict du déplacement de toute personne« d’apparence étrangère », selon les témoignages des associations. Desdizaines de migrants se cachent et se mettent en danger pour échapper à lapolice. Ainsi, il y aurait eu officiellement 18 décès de personnes migrantesconstatés par les pompiers depuis l’été 2016. En outre, lorsque des personnessont appréhendées par la police aux frontières françaises, plusieurstémoignages font état de refoulement vers l’Italie, en violation des procéduresrelatives au droit d’asile. En l’absence de processus d’accueil etd’accompagnement, des habitants se mobilisent pour apporter une aide humanitaireou un soutien juridique ou social aux personnes migrantes présentes dans larégion.

Actions requises :

L’Observatoire vous prie de bien vouloir écrire aux autorités françaisesen leur demandant de :

i. Mettre un terme à toutes formes deharcèlement, y compris au niveau judiciaire, d’intimidation et d’entraves àl’encontre de M. Pierre-Alain Mannoni, ainsi que de l’ensemble desdéfenseur.e.s des droits humains et particulièrement des droits des personnesmigrantes et réfugiées en France ;

ii. Faire amender l’article 1(2) de laDirective 2002/90/CE du Conseil de l’Union européenne « définissant l’aide àl’entrée, au transit et au séjour irréguliers » afin de garantir que les Étatsmembres de l’UE n’imposent pas de sanction dans le cas où le comportementreproché a pour but d'apporter une aide humanitaire ou de garantir les droitshumains de la personne migrante concernée ;

iii. Se conformer aux dispositions de laDéclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre1998, et plus particulièrement à ses articles 1 et 12.2 ;

iv. Plus généralement, seconformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Hommeet instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Hommeratifiés par la France.

Adresses :

· M. Emmanuel Macron, Président de la République, Email via http://www.elysee.fr/ecrire-au-president-de-la-republique/ ; Twitter : @EmmanuelMacron

· M. Edouard Philippe, Premier Ministre, Email via http://www.gouvernement.fr/contact/ecrire-au-premier-ministre ; Fax : + 33 1 45 44 15 72, Twitter : @EphilippePM

· M. Christophe Castaner, Ministre de l’intérieur, Twitter :@CCastaner

· M. Jean Yves le Drian, Ministre de l’Europe et des affairesétrangères, Twitter : @JY_LeDrian

· Mme Nicole Belloubet, Ministre de la Justice, Fax : +33 1 4477 60 00, Twitter : @NBelloubet

· Mme Christine Lazerges, Président de la Commission nationaleconsultative des droits de l’Homme (CNCDH), Fax : +33 1 42 75 77 14 ;E-mail : cecile.riou@cndh.fr ; Twitter : @CNCDH

· Mme Elisabeth Laurin, Représentante permanente de la Républiquefrançaise auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, Fax : +41 22 75891 37 ; E-mail : mission.france@ties.itu.int ; Twitter :@FranceONUGeneve

· M. Pierre Sellal, Représentant permanent de la République françaiseauprès de l’Union européenne à Bruxelles, Fax : +32 22 30 99 50 ;E-mail : courrier.bruxelles-dfra@diplomatie.gouv.fr ; Twitter :@RPFranceUE

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de la Francedans vos pays respectifs.

***

Paris-Genève,le 20 décembre 2018

Merci de bien vouloir informer lObservatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, partenariat de laFIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Hommevictimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Unioneuropéenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par lasociété civile internationale.

Pour contacter lObservatoire, appeler La Ligne dUrgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org

· Tel et fax FIDH : +33 1 43 55 25 18 / +33 1 43 55 18 80

· Tel et fax OMCT : + 41