Tunisie
19.08.08
Interventions urgentes

Inculpation de 38 personnes en raison de leurs activités de solidarité avec les habitants du bassin minier de Gafsa

Nouvelles informations
TUN 004 / 0408 / OBS 049.2
Harcèlement judiciaire

Tunisie

18 septembre 2008

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante en Tunisie.

Nouvelles informations :

L’Observatoire a été informé par la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) de l’inculpation de 38 personnes en raison de leurs activités de solidarité avec les habitants du bassin minier de Gafsa, dont M. Mohiedine Cherbib, président de la Fédération tunisienne des citoyens des deux rives (FTCR), une association d’immigrés tunisiens en France, et membre du Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT).

Selon les informations reçues, le 15 septembre 2008, le juge d’instruction du 3ème cabinet du tribunal de Gafsa a officiellement clos l’instruction de l’une des affaires liées au mouvement de protestation du bassin minier de Gafsa. Trente huit personnes ont été inculpées, dont MM. Adnane Haji, secrétaire général du Syndicat de l’enseignement de base de Redeyef, Bechir Labidi, syndicaliste, Taeïb Ben Othmane, membre du Syndicat de l’enseignement de base de Redeyef, et Boujomâa Chraïti, secrétaire général du Syndicat de la santé de Redeyef. M. Mohiedine Cherbib a également été ajouté à l’acte d’inculpation pour “appartenance à une bande, participation à une entente établie dans le but de préparer ou de commettre un attentat contre des personnes ou des biens” et “distribution, mise en vente, exposition au regard du public, détention en vue de la distribution, de la vente, de l’exposition dans un but de propagande de tracts et de bulletins de nature à nuire à l’ordre public”[1]. M. Cherbib, qui coordonne un comité de soutien des habitants de Gafsa en France, est poursuivi en raison de sa mobilisation, en France, en faveur de la population du bassin de Gafsa. Treize personnes initialement inculpées, dont M. Foued Khenaissi, membre de l’Union locale du travail de Redeyef, ont bénéficié d’un non-lieu le 18 septembre.

L’Observatoire dénonce vigoureusement ces inculpations qui témoignent d’une intensification de la répression envers les mouvements de protestation sociale, y compris les personnes actives au sein des comités de soutien en France. En effet, depuis avril 2008, le mouvement de protestation des habitants du bassin minier de Gafsa, qui est né au début du mois de janvier 2008, ainsi que les mouvements de solidarité qui les ont accompagnés ont été durement réprimés. Des dizaines de syndicalistes, étudiants et chômeurs ont été arrêtés. Les 4, 5 et 6 juin 2008, les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur les participants à des manifestations pacifiques menées en solidarité avec les revendications des habitants du bassin minier de Gafsa, occasionnant trois morts. Depuis cette date, les arrestations et inculpations se sont multipliées. Plus de 160 personnes seraient actuellement poursuivies dans une vingtaine d’affaires judiciaires.

L’Observatoire déplore plus généralement la violence croissante avec laquelle les autorités tunisiennes répriment toute personne qui promeut et défend les droits de l’Homme, et rappelle que conformément à l’article 1 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international”.

Rappel des faits :

L’Observatoire avait été informé de l’arrestation violente le 7 avril 2008 de MM. Adnane Haji, Foued Khenaissi, Taeïb Ben Othmane, Bechir Labidi, et Boujomâa Chraïti, en raison de leurs activités de solidarité avec les travailleurs du bassin minier de Gafsa, dans le sud-ouest de la Tunisie. MM. Foued Khenaissi et Boujomâa Chraïti avaient été mis en liberté provisoire peu après. MM. Adnane Haji et Bechir Labidi sont toujours détenus à la prison de Kasserine et M. Taeïb Ben Othmane, à la prison de Sidi Bouzid. Les autres personnes arrêtées à la même occasion sont détenus à la prison de Gafsa.

Actions demandées :

L’Observatoire vous prie d’écrire aux autorités tunisiennes et de leur demander de :

  1. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de MM. Mohiedine Cherbib, Adnane Haji, Taeïb Ben Othmane, Boujomâa Chraïti, et Bechir Labidi et de toutes les personnes poursuivies;
  2. Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de MM. Adnane Haji, Taeïb Ben Othmane et Bechir Labidi et de toutes les personnes détenues dans le cadre de cette affaire dans la mesure où leur détention est arbitraire puisqu’elle vise à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme ;
  3. Mettre un terme immédiat à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre des personnes soutenant les revendications des habitants de Gafsa, y compris MM. Mohiedine Cherbib, Adnane Haji, Foued Khenaissi, Taeïb Ben Othmane, Boujomâa Chraïti et Bechir Labidi, ainsi qu’à l’encontre de tous les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens ;
  4. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, et plus particulièrement à son article 1 susmentionné, ainsi que son article 12.2, qui dispose que “l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration”;
  5. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.

Adresses:

  • M. Zine el-Abidine Ben Ali, Président de la République, Palais de Carthage, 2016 Carthage, Tunisie, Fax : +216 71 744 721 ou +216 71 731 009
  • M. Mohamed Ghannouchi, Premier Ministre, Secrétariat Général du Gouvernement, Rue de la Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 562 378
  • M. Rafik Belhaj Kacem, Ministère de l’Intérieur et du Développement local, Avenue Habib Bourguiba, 1001 Tunis, Tunisie, Fax : ++ 216 71 340 888 ; Email : mint@ministeres.tn
  • M. Kamel Morjane, Ministère de la Défense Nationale, Avenue Bab Mnara, La Kasbah, 1008 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 561 804
  • M. Bechir Tekkari, Ministère de la Justice et des Droits de l’homme, 57, Boulevard Bab Benat, 1006 Tunis, Tunisie, Fax : +216 71 568 106 ; Email : mju@ministeres.tn
  • Ambassadeur, S.E M. Samir Labidi, Mission permanente de la Tunisie auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, 58 Rue Moillebeau, Case postale 272, 1211 Genève 19, Suisse, Fax : +41 22 734 06 63 ; Email : mission.tunisia@ties.itu.int
  • Ambassade de la Tunisie à Bruxelles, 278 avenue de Tervueren, 1150 Woluwe-Saint-Pierre, Belgique, Fax : + 32 2 771 94 33 ; Email : amb.detenusie@brutele.be

Paris - Genève, le 18 septembre 2008

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :
E-mail : Appeals@fidh-omct.org
Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80

Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Les charges retenues contre les trente sept autres personnes, dont de MM. Adnane Haji, Taeïb Ben Othmane, Bechir Labidi, et Boujomâa Chraïti visées par l’acte d’accusation comprennent, entre autres, “l’appartenance à une bande, participation à une entente établie dans le but de préparer ou de commettre un attentat contre des personnes ou des biens”, “la distribution, mise en vente, exposition au regard du public, détention en vue de la distribution, de la vente, de l’exposition dans un but de propagande de tracts et de bulletins de nature à nuire à l’ordre public”, “la participation à une rébellion armée commise par plus de dix personnes au cours de laquelle des voies de fait ont été exercées sur un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions”, “l’obstruction à la circulation sur les voies publiques”, “la participation à une rébellion provoquée par des discours tenus dans des lieux et des réunions publiques, des placards et des écrits imprimés”, “les dommages causés à la propriété d’autrui”,“la fabrication sans autorisation d’engins incendiaires”, “les jets de corps et d’immondices sur les propriétés d’autrui”, “les tapages et bruits dans un lieu public”, “la collecte de fonds sans autorisation”, et “la fourniture d’un lieu de réunion et la contribution pécuniaire aux membres d’une bande de malfaiteurs”.