Seeking Justice

En quête de justice

La torture est l’un des crimes les plus atroces qu’un être humain puisse commettre sur un autre être humain.

Ses effets vont bien au-delà de la terrible souffrance physique et psychologique infligée aux victimes. Le sentiment d’atteinte à la dignité et d’injustice que suscitent la torture et les autres mauvais traitements peut anéantir la confiance que l’individu avait envers les institutions, le radicaliser et porter préjudice à toute une communauté.

Pourtant, les actes de torture restent la plupart du temps impunis. Au Mexique, par exemple, sur 8 335 enquêtes ouvertes pour faits de torture par les services spécialisés du parquet, seules 17 ont abouti à une action en justice. Aux Philippines, sur au moins 8 663 cas d’exécution extrajudiciaire par les forces de sécurité, un seul a donné lieu à une condamnation. On pourrait citer de nombreux exemples du même type.

Si les choses sont ainsi, c’est parce que, dans de nombreuses régions du monde, la torture est une pratique qui gangrène les institutions – les postes de police, les prisons, et jusqu’à l’appareil judiciaire, qui s’appuie trop souvent sur les « aveux » des accusé·e·s. Là où la torture et les mauvais traitements sont fréquents, la corruption est souvent présente. Les inégalités constituent un autre facteur propice. Dans bien des cas, les victimes de la torture font partie des catégories pauvres et marginalisées de la société, telles que les minorités ethniques ou religieuses. Les gouvernements autoritaires s’appuient sur la torture pour faire régner la peur et écraser toute opposition ou simple dissidence. En temps de guerre, la torture se propage comme un cancer. La Syrie constitue un exemple frappant de ce phénomène. Aussi bien l’État que les groupes armés non étatiques s’y livrent à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements à une très vaste échelle.

L’impunité est la principale raison qui explique la fréquence de la torture.

Parmi les nombreuses raisons qui expliquent la fréquence de la torture, l’impunité arrive en tête. Lorsque personne ou presque n’est sanctionné pour un crime, c’est un feu vert à tous ceux et celles qui sont tenté·e·s de se livrer à des actes similaires. Cela porte atteinte aux personnes, voire, parfois, à toute la société. Les victimes étant souvent les membres les plus fragiles de la société, leurs chances d’obtenir justice sont souvent nulles.

Il est essentiel que les cas de torture soient portés devant les tribunaux ou devant les organes compétents des Nations unies. D’abord, les victimes ont aussi besoin d’obtenir des réparations et la punition des coupables pour surmonter leur souffrance. Ensuite, au niveau de la société dans son ensemble, une action en justice peut servir d’élément déclencheur pour des réformes visant à mieux prévenir la torture et à renforcer l’état de droit. Permettre aux victimes d’obtenir justice est en outre une obligation légale. L’article 14 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dispose par exemple que les États parties doivent garantir, « dans [leur] système juridique, à la victime d'un acte de torture, le droit d'obtenir réparation et d'être indemnisée équitablement et de manière adéquate. »

Le recours judiciaire reste malheureusement un outil insuffisamment utilisé, dans la mesure où, pour toute une série de raisons, les organisations de la société civile ont du mal à réunir des éléments et à intenter une action en cas de torture.

C’est pourquoi l’OMCT a mis en place en 2019 trois groupes d’intervention judiciaire, en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Ces groupes mettent en lien plus de 45 membres et partenaires du Réseau SOS-Torture, avec l’objectif d’élaborer des stratégies innovantes et de porter des affaires emblématiques devant les tribunaux nationaux et/ou régionaux.

Dans la même perspective, le bureau tunisien de l’OMCT s’est porté partie civile dans plusieurs affaires de torture qui sont en instance depuis mai 2018 devant des tribunaux pénaux spécialisés et qui s’inscrivent dans le cadre du processus de justice de transition concernant les graves atteintes aux droits humains commises entre 1956 et 2013.